Carol Dweck, professeur de psychologie sociale à l’Université de Stanford, est connue pour son travail sur la personnalité, le développement et la motivation. En étudiant le rapport à l’échec et l’apprentissage de milliers d’enfants, elle a identifié que nous sommes susceptibles d’adopter deux types d’état d’esprit face aux problèmes : un état fixe ou un état de croissance. Le premier, orienté résultat, a tendance à entraver le développement tandis que le second, orienté solution, le facilite. Faisons le point !
Les deux types d’état d’esprit : fixe ou de croissance
Un état d’esprit est une disposition mentale, une attitude intérieure à l’égard de quelqu’un ou quelque chose (ici, la difficulté). Ce terme est à différencier de la motivation, qui est la raison qui nous pousse à agir ou nous abstenir. Autrement dit, l’état d’esprit est la façon dont nous appréhendons un sujet, tandis que la motivation est le moteur qui nous permet de passer à l’action.
Ces deux types d’état d’esprit – fixe ou de croissance – génèrent deux types de personnalité distincts :
Ces états d’esprit se distinguent également en imagerie cérébrale (Moser, Schroder, Heeter, Lee & Moran 2011) : ainsi, les personnes orientées solution sollicitent de nombreuses zones du cerveau tandis que l’activité cérébrale est moindre quand le cerveau est fixé sur le problème ou le résultat qu’il cherche à obtenir. Dans son ouvrage Changer d’état d’esprit : Une nouvelle psychologie de la réussite, Carol Dweck souligne qu’« à chaque fois que les étudiants sortent de leur zone de confort pour apprendre quelque chose de nouveau et de difficile, les neurones dans leur cerveau forment de nouvelles connexions, de plus en plus fortes, et ils deviennent de plus en plus intelligents ».
Les origines d’un état d’esprit fixe
L’état d’esprit se développe dès l’enfance et se nourrit à l’âge adulte. Si son origine est complexe, deux facteurs contribuent à ancrer profondément un état d’esprit fixe :
- L’injonction au succès/à la perfection. Très tôt, l’enfant constate que la validation par ses éducateurs de ses comportements, réussites, pensées et émotions (« C’est bien ! », « Bravo ! », « 10/10 ») lui procure des sensations agréables, un sentiment de réalisation et d’appartenance. Cette approbation extérieure l’amène à constater que la vie est plus facile quand il plait et, à l’inverse, que la sanction est douloureuse quand il déplait. À force de répétition, il établit un lien – erroné – entre sa réussite, le regard des autres et sa sécurité. Et plus les éducateurs privilégient les résultats à la réflexion, plus le besoin de perfection s’enracine.
- La confusion entre inconfort et problème. Un individu qui relie sa valeur personnelle à sa réussite tolère peu l’inconfort et la frustration. Il pense en effet que s’il bloque sur un point, échoue, ne comprend pas, vit des émotions désagréables ou ne va pas bien, c’est forcément parce qu’il fait quelque chose de mal. Or, l’inconfort n’est pas un signe d’échec ni un problème en soi ; c’est une invitation au changement à travers la réflexion, l’introspection ou encore le prendre soin, ce qui peut prendre du temps et nécessite un apprentissage. Confondre ces notions génère donc de l’anxiété, un fort besoin de contrôle et renforce un état d’esprit fixe.
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Les dérives de l’état d’esprit fixe
Les personnes ayant un état d’esprit fixe ont tendance à avoir une vision déterministe du monde, de leur personnalité et leurs capacités. Face aux difficultés et à l’inconfort, l’état d’esprit fixe peut :
- Se déresponsabiliser et déléguer (« Les autres savent et font mieux que moi », « Ce n’est pas de ma faute »).
- Adopter une attitude de fuite, se saborder (« Si je ne suis pas capable, à quoi bon ? », « Je suis trop vieux pour changer », « Je ferai plutôt ça demain »).
- Choisir la facilité, le statu quo, voire utiliser la ruse, le mensonge ou la triche (« Je vais faire comme d’habitude », « Je dirai que j’ai été malade »).
- Avoir des difficultés à évaluer son travail, sa valeur et ses comportements sans regard extérieur (« Je préfère demander son avis à X », « Ai-je bien réagi ? »).
- Ressentir de l’animosité face aux critiques ou/et à ceux qui réussissent (« Pour lui, c’est plus facile ! », « Qui croit-il être pour questionner mon travail ? »).
- Ruminer, chercher des explications et des excuses pour justifier les événements (« Elle a surement dit ça parce que… », « J’ai raté à cause de… »).
- Développer un état d’alerte, d’angoisse et d’incertitude chronique (« Comment vais-je faire face à ça ? » « Et si… »).
- Tourner son énergie vers l’extérieur – compréhension de l’autre, séduction – plutôt que l’intérieur – introspection, développement personnel – en cherchant à plaire plutôt qu’à se plaire (« Pourquoi m’a-t-elle regardé de travers ? », « Que penseront-ils de moi si je fais ça ? »).
- Souffrir facilement de la frustration et de la déception (« De toute façon, c’est toujours comme ça ! », « C’est trop difficile »).
- Développer une faible estime de soi (« Je suis nul », « Je ne suis pas fait pour ça », « C’est dur pour moi de… »).
Ces réflexes tiennent de la survie pour la personne qui les adopte, le but de ces stratégies étant d’éviter l’inconfort. Pourtant, à terme, l’état d’esprit fixe est globalement une entrave au développement, aux relations et au bonheur. Heureusement, il n’est jamais trop tard pour apprendre à changer de perspective !
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Passer d’un état d’esprit fixe à un état de croissance
Carol Dweck a mené une étude (Blackwell Trzesniewski & Dweck 2007) auprès d’enfants de CM2 issus des cités du Bronx et de natifs américains vivant dans des réserves. Ces élèves dits défavorisés faisaient tous partie des 5% des écoles ayant les résultats les plus bas du pays ; certains ne savaient même pas tenir un crayon correctement au début de l’expérience.
Ainsi, Carol Dweck a mis en évidence qu’il est possible de combler les inégalités sociales grâce à l’éducation en utilisant trois leviers :
- Récompenser la réflexion de l’élève plutôt que son résultat ;
- Expliquer à l’élève que persister face à la difficulté, quelle qu’elle soit, lui permet de créer de nouvelles connexions neuronales et de devenir plus intelligent ;
- Dissocier le présent et l’avenir :« Tu ne peux pas encore », « Tu en es là pour le moment ».
Et c’est tout. Ces enfants n’ont pas bénéficié de soutien scolaire, le contenu des cours n’a pas changé… Mais quels résultats ! En un an, les élèves du Bronx sont passés de la dernière classe de New-York à la première sur un test de mathématiques, et les natifs américains ont obtenus de meilleurs résultats que ceux des écoles les plus élitistes du pays.
En tant qu’adulte, voici quelques pistes à explorer :
- Se mettre au sommet de la liste des personnes dont l’opinion, le savoir et l’expérience comptent pour soi.
- Solliciter les conseils après avoir fait le tour de la question soi-même.
- Accepter l’inconfort : il est transitoire.
- Accueillir les ratés en cherchant l’apprentissage dans l’expérience.
- Identifier plusieurs solutions à un seul problème.
- Se souvenir que persister face aux difficultés et ouvrir le champ des possibles rend plus intelligent !
La réussite, c’est obtenir ce que l’on veut. Le bonheur, c’est apprécier ce que l’on obtient.
H. Jackson Brown
À vous de jouer ! Dans quel état d’esprit vous reconnaissez-vous ? Comment réagissez-vous face à l’inconfort, la difficulté et la désapprobation des autres ? Dans quel domaine votre état d’esprit vous limite-t-il le plus ? Que pouvez-vous faire pour développer un état d’esprit de croissance ?
Les séances de coaching permettent à la personne accompagnée de prendre du recul pour clarifier sa situation, conscientiser ce qui donne du sens à sa vie, mieux se connaître afin de connecter à ses forces, se libérer de ses blocages et identifier ses propres solutions pour amorcer des changements profonds et durables.