De nombreuses carrières médicales et choix de spécialité trouvent leurs fondements dans les idéaux des étudiants : l’idée que l’on se fait du médecin, de son rôle, son quotidien, les valeurs que l’on souhaite incarner, l’aide que l’on veut apporter, la pluridisciplinarité… Or, la réalité peut venir abîmer cette image et la motivation en prend alors un coup.
Du rêve à la réalité : la désillusion des étudiants en médecine
L’Externe, étudiante en médecine blogueuse, partage son expérience :
Au début des études de médecine, nombre d’étudiants ont la tête pleine d’idéaux sur ce métier. Sauver des vies, porter secours, faire des missions humanitaires, dégainer son stéthoscope dans l’avion lorsque l’on demande s’il y a un médecin à bord car la dame du 25F s’étouffe avec un bretzel (le stétho se révèlera en fait moins utile qu’on ne le pense).
Puis, au fil des études, une certaine déconfiture s’opère. La déception grandit, stage après stage, frottée aux coulisses bien réelles de cette usine à médeciner. […] Une sorte de gouffre dont certains préfèrent ignorer la vue de peur de perdre pied.
L’Externe, « Perte de substance »
Cette perte de repère, je la rencontre chez de nombreux étudiants en médecine, externes ou internes, mais aussi chez des médecins de tous âges. Bien que normale et inévitable dans une vie, la désillusion n’est pas sans conséquence : cette fracture entre nos espérances et le réel est déstabilisante et provoque de profondes remises en cause. Comment garder le goût du métier quand les journées sont non seulement difficiles mais aussi, décevantes ? Pourquoi (ou pour quoi) s’investir quand plus rien n’a de sens ? Comment trouver sa place, son rôle, sa posture ? Pour répondre à ces interrogations, il convient avant tout de définir ce qu’est la motivation.
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Motivation interne et motivation externe
La motivation est l’ensemble des raisons et des éléments qui poussent quelqu’un dans son action. Selon cette définition, la motivation n’a aucune valeur morale, en avoir n’est ni bien ni mal : c’est tout simplement un moteur dont le carburant est les émotions positives que l’on associe à son objectif (enthousiasme, fierté, joie, partage, contribution, etc.). La volonté n’a donc pas grand chose à voir avec la motivation, bien au contraire ! Plus on essaie de forcer sa motivation, plus on court après et plus elle disparaît.
La motivation est dite ‘interne’ quand elle repose sur un intérêt réel et personnel, par exemple pour une discipline ou une matière donnée, une pratique et des gestes, le relationnel avec les patients, le travail en équipe, un métier en accord avec ses valeurs et ses besoins, etc. La motivation externe quant à elle focalise soit sur une récompense extérieure à soi-même – un revenu, du prestige, la reconnaissance sociale, etc. – soit sur la crainte d’une sanction comme une perte d’avantage ou de statut, ou encore la déception de ses proches.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la motivation interne n’est ni meilleure ni plus souhaitable que la motivation externe : les deux sont importantes et complémentaires. En effet, la motivation interne peut finir par s’émousser sans gratification externe tandis que la récompense réconforte – voire flatte l’ego – mais ne nourrit pas les aspirations les plus profondes. Enfin, la peur est rarement un bon moteur car elle peut paralyser et provoquer une déconnexion de soi-même, y compris chez les plus passionnés ! Baser un projet sur un seul type de motivation est donc souvent insuffisant et parfois contreproductif dans la durée.
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Comment rester motivé·e ?
Si la motivation n’est pas un but à poursuivre en soi, une baisse ou une perte de motivation doit être perçue comme un signal indiquant une perte de sens. Cela peut, par exemple, être révélateur d’un usure ou d’une fatigue, d’un changement dans le contexte professionnel, de schémas de pensée limitants ou encore qu’un ajustement est nécessaire, qu’un objectif ou un choix est inadapté/plus adapté, etc.
Subjective, la motivation varie d’une personne à l’autre et c’est cette dimension personnelle qui la rend si fluctuante : nous changeons, notre environnement change aussi et cela affecte nos centres d’intérêt. Mais c’est également cette dimension personnelle qui permet à la motivation d’être réinventée. Pour les étudiants désireux de préserver ou de retrouver leur motivation, voici six axes de réflexion :
- Le cap : Quel est mon objectif à terme ? Suis-je toujours aligné·e avec cet objectif ?
- Le moteur : Pour quelles raisons (internes/externes) cet objectif est-il important pour moi ? Qu’est-ce qui m’intéresse et me plaît à l’idée de devenir médecin·e ?
- Les freins : Quelles sont les choses qui me démotivent aujourd’hui ? Quelles sont mes émotions quand je pense à ce qu’il me reste à accomplir pour devenir médecin·e ? Attention : si ces émotions sont très négatives et désagréables, demandez de l’aide.
- Les risques : Quels seraient les risques pour moi – du petit au scenario catastrophe – si la situation actuelle se prolongeait ? Quelle est la probabilité qu’ils se réalisent ? Attention : si la probabilité est élevée, demandez de l’aide.
- Le carburant : Quelles sont les choses, relations, personnes, etc. qui m’intéressent et me stimulent dans la situation actuelle ? À quoi puis-je contribuer à mon échelle ?
- La récompense : Comment me sentirai-je le jour où j’atteindrai mon objectif ? Quels mini sous-objectifs et récompenses puis-je me fixer chaque jour ?
Enfin, il est important de rappeler que la motivation ne se nourrit pas de la volonté mais des émotions agréables. Le stress, la peur, la colère, le doute… sont autant de tueurs de motivation. En ce sens, les habitudes, les pratiques et les liens du quotidien sont essentiels dans la préservation de la motivation : les relations de confiance, la possibilité de parler de ses réussites et ses difficultés, l’activité physique, le fait de faire des pauses plusieurs fois par jour, les activités plaisantes, l’exposition à la lumière naturelle, un sommeil réparateur, etc.
À vous de jouer ! Comment se porte votre motivation ? Comment allez-vous la nourrir ? Quels sont les facteurs externes et internes qui donnent du sens à vos études ?
J’accompagne les étudiant·es en médecine afin de leur permettre de prévenir, soulager ou sortir des situations de tension et de stress, définir leur rôle et leur posture – d’interne, d’externe et de futur médecin·e, donner du sens à leur pratique ou encore développer leurs qualités relationnelles et communicationnelles.