La dialectique Victime, Sauveur, Persécuteur dans la relation de soin

On ne devient pas médecin ou soignant par hasard. Selon les valeurs et le parcours de vie de chacun, les relations humaines, les échanges et le soin peuvent devenir une importante source de satisfaction personnelle. Il existe cependant des difficultés inhérentes à l’accompagnement de la douleur et de la souffrance : contagion émotionnelle, sentiment d’impuissance, don de soi menant à l’usure émotionnelle ou/et au burn-out… Si ces facteurs sont connus, il en existe un autre, inconscient et régulièrement à l’origine des autres : le jeu de rôles relationnels.

Le triangle dramatique comme outil de compréhension des relations

Dans son article Fairy Tales and Script Drama Analysis (1968), Stephen B. KARPMAN propose un modèle d’analyse des relations et des jeux psychologiques existant entre individus en identifiant trois rôles à la base de nombreux dysfonctionnements relationnels : la Victime, le Sauveur et le Persécuteur.

Plus connu sous le nom de ‘triangle de KARPMAN’ ou ‘triangle dramatique’, cet outil est particulièrement pertinent dans la compréhension des liens que soignants et médecins développent avec leur patientèle et permet de remédier aux situations de conflit et de manipulation, à l’épuisement professionnel ou encore la perte de sens au travail.

Les jeux de rôles relationnels existent dans toutes les situations sociales. Quel que soit le contexte, le fonctionnement est identique : dès lors qu’une personne endosse un rôle (par exemple, la Victime), elle entre dans le jeu et amène son interlocuteur à incarner un rôle complémentaire (le Sauveur ou le Persécuteur). Une fois la dynamique enclenchée, la relation est biaisée et la communication faussée.

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Les rôles, un jeu de pouvoir et de manipulation

La Victime se perçoit comme impuissante ; elle subit les situations et les autres, s’apitoie sur son sort, se plaint… Inconsciente de sa valeur et de ses capacités, elle pense que les autres sont plus aptes qu’elle. Ainsi, naturellement passifs face au personnel médical, les patients sont enclins à adopter une posture basse qui peut rapidement glisser vers un rôle de Victime si leur interlocuteur n’y prend pas garde.

Le Sauveur aime aider. Il se perçoit comme capable et considère que la Victime est sous sa responsabilité. Empathique et altruiste, il offre son soutien à la Victime qu’il infantilise et met en situation d’incapacité et va régulièrement au-delà de la demande qui lui a été faite. Entre leurs valeurs et leur position de sachant dans la relation de soin, médecins comme soignants endossent assez spontanément le rôle du Sauveur.

Le Persécuteur se perçoit comme compétent, fort. Il a le sentiment de devoir prendre seul les décisions et attend d’être obéi. Il pense qu’il agit pour le bien de la Victime qu’il considère comme redevable et inapte. En cas de difficulté, un soignant peut – ponctuellement ou dans la durée – mettre émotionnellement ses patients à distance par le biais d’une posture de Persécuteur.

La dialectique Victime, Sauveur, Persécuteur

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Les rôles, un mécanisme de protection

Les rôles servent inconsciemment de prétexte, de justification aux comportements et aux échecs ; en focalisant sur l’autre, le jeu relationnel évite au joueur de subir les situations inconfortables, de porter la pleine responsabilité de sa vie et des émotions désagréables qu’il vit. Avec le jeu de rôles, le problème c’est l’autre et pas soi.

La dialectique infernale de la Victime, du Sauveur et du Persécuteur repose donc sur les peurs, les insécurités, la méconnaissance et le désamour de soi, et est vouée à l’échec. Car ces rôles ont un prix : l’impuissance et la dépendance à l’autre pour la Victime, l’usure physique/émotionnelle/mentale et le sentiment de manque de reconnaissance pour le Sauveur, l’isolement et la mauvaise conscience pour le Bourreau. Quel que soit le rôle, la personne qui joue est perdante !

Mobilisation de l’énergie et vision de soi selon les rôles

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Sortir des rôles Victime, Sauveur et Persécuteur

Alors, comment sortir du jeu ? Voici quelques pistes à explorer pour sortir du triangle :

  1. Observer son comportement et celui des patients, sans jugement car les rôles sont généralement inconscients ;
  2. Prendre conscience de son rôle de prédilection dans la relation au patient ;
  3. Identifier ses motivations personnelles pour jouer le rôle ;
  4. Rendre à l’autre sa part de responsabilité dans la relation/la situation ;
  5. Écouter et respecter ses limites personnelles.

À vous de jouer ! Dans quel rôle vous reconnaissez-vous ? Quelles sont les conséquences de ce rôle sur vos relations ? Qu’allez-vous mettre en place pour en sortir ?

Le rôle d’Azuli Consulting

J’accompagne les médecins et les soignants dans la compréhension et l’identification de leurs moteurs, leurs freins et leurs déclencheurs émotionnels afin d’améliorer qualité de vie, satisfaction professionnelle et relations. Les séances de coaching permettent ainsi à la personne accompagnée de se recentrer, reprendre le contrôle sur son quotidien, redonner du sens à sa pratique et s’apaiser.

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