De nombreuses dérives du secteur médical proviennent d’un non-respect des limites des praticiens, des patients et du système : manque de moyens, burnout, harcèlement, violence médicale, perte de vocation… la liste est malheureusement longue ! Nous avons tous des limites et nous vivons tous des violations de nos limites. Pourtant, ces infractions naissent plus souvent d’un manque de clarté et de fermeté de notre part que de la malveillance de notre entourage.
Une limite ne peut être franchie que si elle existe
Pourquoi est-ce si difficile de dire stop ? Quand nous atteignons nos limites, nous avons naturellement tendance à culpabiliser et vouloir être flexible, nous pensons que certaines choses sont évidentes ou bien que nous devons tenir, faire ceci ou cela, arranger telle personne… Ces pensées proviennent d’une mauvaise compréhension des limites et génèrent des émotions désagréables (tristesse, colère, ressentiment, déception, violation) menant à une rupture progressive avec l’entourage.
Une limite n’est ni un mur qui sépare des autres, ni une cloison de papier facilement brisée ; ce n’est pas non plus une plainte, une manifestation d’égoïsme ou de paresse. Une limite n’est ni bien ni mal : c’est l’expression d’un besoin ou d’une valeur et une limite saine :
- Facilite les relations en clarifiant les rôles et les attentes ;
- Préserve l’énergie et la santé mentale ;
- Dégage du temps pour soi-même et ce qui compte vraiment ;
- Est la clé du bonheur et de l’estime de soi.
Parmi les choses qui existent, il est bien de considérer que les unes dépendent de nous, que les autres n’en dépendent pas et de nous attacher à celles qui sont de notre ressort.
Épictète
Les limites existent et doivent être respectées quel que soit l’âge, les capacités cognitives, la relation hiérarchique, le genre, l’orientation politique, les valeurs, etc. de l’interlocuteur. Mais pour accepter et poser des limites, il faut avant tout apprendre à les identifier.
Les 5 types de limites à poser dans la relation soignant/patient sur la base du travail d’Elizabeth Earnshaw
Les limites de temps
Poser une limite de temps, c’est comprendre ses priorités et réserver suffisamment de temps aux différents domaines de sa vie. Une infraction des limites de temps peut se traduire par le fait de demander un service à un professionnel sans le payer ou dans un contexte privé, prolonger une discussion ou une tâche plus longtemps que prévu, arriver en retard, annuler un rendez-vous au dernier moment, insister alors que la personne a indiqué ne pas être disponible, etc.
À l’inverse, des limites de temps saines permettent de respecter ses priorités et celles d’autrui. Par exemple :
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Les limites physiques
Les limites physiques préservent le besoin d’intimité et d’espace personnel, le confort au toucher, la sexualité et les besoins physiologiques tels que dormir, manger et s’hydrater. La violation des limites physiques peut consister à subir des attouchements inappropriés/non désirés, être privé de sommeil ou de nourriture, voir son intimité révélée ou perturbée, se voir imposer un contact non protégé (sans gants, sans masque, sans préservatif), etc.
Les limites physiques saines respectent donc l’intégrité corporelle, la santé physique, le confort et l’espace de chacun ; elles peuvent ressembler à :
Les limites émotionnelles
Fixer des limites émotionnelles, c’est reconnaître et valider son état intérieur, sa capacité à être émotionnellement disponible pour l’autre, savoir quoi partager ou protéger et quand le faire, et limiter les échanges avec les personnes qui réagissent mal. Le non-respect des limites émotionnelles peut être nier, critiquer ou demander des justifications aux émotions d’autrui, supposer savoir ce que l’autre ressent, poser des questions inappropriées, se défouler sur l’autre, partager des informations émotionnelles inappropriées, etc.
Les limites émotionnelles saines préservent la santé mentale, valident les émotions et respectent l’intimité de tous. Par exemple :
Les limites intellectuelles ou morales
Les limites intellectuelles ou morales protègent l’identité, la curiosité, les pensées, les idées, les valeurs et les croyances. Elles sont franchies si vos propos sont rejetés, dévalorisés ou moqués, si vos valeurs et vos croyances sont niées ou si vous subissez des discours malsains, dénigrants, humiliants ou violents.
Les limites intellectuelles saines sont fondées sur le respect de l’identité et des idées d’autrui, la volonté sincère de dialoguer et de comprendre, ainsi que sur la notion de ‘bon moment’ pour évoquer certains sujets. Voici quelques phrases types :
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Les limites matérielles
Les limites matérielles se rapportent à vos capacités financières et aux objets mobiliers ou immobiliers que vous possédez. Ces limites sont outrepassées lorsque vos biens sont abîmés, détruits ou volés, quand ils ne vous sont pas rendus dans les délais, quand vos capacités financières ne sont pas prises en compte, ou encore quand l’argent sert de levier à la manipulation ou au contrôle de la relation.
Des limites matérielles saines établissent les frais que vous pouvez engager, ce que vous souhaitez partager ou non et comment vous voulez que vos objets et votre matériel soient traités. Par exemple :
Cadrer, c’est respecter
Les limites permettent donc de cadrer les relations et les échanges, et ainsi assurer le respect de tous. Pour fixer vos limites avec vos patients et votre entourage, souvenez-vous que :
- L’autre va jusqu’où vous le laissez aller : qu’est-ce qui vous parait acceptable ?
- L’autre n’est pas dans votre tête, rien n’est évident.
- Non est une phrase à part entière.
- L’autre n’a pas besoin de comprendre et d’adhérer à votre limite pour la respecter.
- Soyez courtois et ferme dans vos propos.
- Donnez à autrui ce que vous attendez des autres comme écoute et respect.
À vous de jouer ! Comment exprimez-vous vos limites ? Cela vous satisfait-il ? Comment votre entourage réagit-il à vos limites ? Et vous, comment acceptez-vous les limites des autres ?
J’accompagne les médecins et les soignants dans la définition de leurs besoins et de leurs limites afin de prévenir, soulager ou sortir des situations de tension, de stress ou de burn-out. Les séances de coaching, de conseil et de libération émotionnelle permettent à la personne accompagnée de se recentrer, d’apaiser ses relations, apprendre à communiquer comme elle le souhaite et développer des limites saines et stables.